La lettre de contexte d’une demande de licence individuelle

La lettre de contexte est une pièce facultative des dossiers de demande de licence d'exportation de biens à double usage. Elle est préconisée pour l’ensemble des projets d’exportation, sous un format proportionné aux enjeux.

La lettre de contexte permet de faciliter la compréhension des enjeux liés à l'exportation des biens concernés et à aider la Commission interministérielle des biens à double usage (CIBDU) dans sa mission d’évaluation du risque.

Elle devient quasiment inévitable pour les grands projets pluriannuels, et pour les projets d’exportation les plus sensibles, afin d’anticiper au mieux les questions de la CIBDU.

En effet, elle permet de décrire votre projet d’exportation plus finement que ne le permettent le formulaire EGIDE et le certificat d’utilisation finale.

Elle vous permet également de démontrer à la CIBDU votre conformité interne vis-à-vis du contrôle des exportations, notamment en matière de vigilance (vérification des utilisateurs finaux, de l’utilisation finale), responsabilité qui vous incombe en tant qu’exportateur de biens et technologies sensibles.

Concrètement, il s’agit de présenter l’analyse de risque que vous avez produite dans le cadre de cette responsabilité de vigilance, c’est-à-dire l’évaluation et la gestion d’un risque de mésusage des biens que vous souhaitez exporter (détournement vers un autre utilisateur ou un autre système que celui déclaré, atteinte aux droits de l’homme, etc.). Dans le cas d’un usage militaire déclaré, cette analyse consiste en la vérification du respect du projet d’exportation vis-à-vis de la règlementation internationale (traités de non-prolifération, embargo, sanctions, etc.).

Le contenu de la lettre de contexte

Chaque lettre de contexte est le résultat de votre travail de recherche d’informations et de vérifications. Dans un souci d’illustration, la section qui suit indique de manière non exhaustive les informations à recueillir et les vérifications qui en découlent.

Elles sont présentées autour de 6 axes de vérification (de A à F).

Ce travail doit être proportionné à l’enjeu de l’exportation, notamment d’un point de vue financier et réputationnel. Dans le cas où l’examen d’un seul (voire plusieurs) de ces axes suffit à valider un niveau de risque suffisamment faible, la lettre de contexte peut se contenter de présenter ce (ou ces) sujet(s) précis.

Pour la majorité des dossiers, elle se limitera à une page dans laquelle on retrouve une vraie valeur ajoutée par rapport aux informations déjà contenues dans le CUF et EGIDE.

Les axes de l’examen analytique du risque lié à la transaction

  • Visibilité sur le web / réseaux sociaux (d’autant plus important s’il est peu visible à partir des moteurs de recherche : fournir au moins un lien).
  • Description (histoire / ancienneté…, capital / groupe…, savoir-faire, marchés…), antériorité de vos échanges (client depuis…, client qui a rompu avec son fournisseur habituel…).
  • Pour une université, se renseigner sur les travaux des chercheurs rattachés au laboratoire d’installation du bien et s’ils dépendent de laboratoires mixtes parallèlement (fusion civilo-militaire).

Idem que ci-avant.

  • Apporter des informations complémentaires quant à l’utilisation mentionnée dans le CUF et EGIDE.
  • Cohérence du besoin d’achat avec les marchés connus de l’utilisateur final, avec les capacités de production déjà en place sur le site de livraison / installation…
  • Indiquer s’il s’agit d’un projet plus global.
  • Rappeler les tenants et aboutissants, les antériorités, le planning, le schéma contractuel (prospection commerciale, demande spontanée, appel d’offre, gré à gré, sous-traitant N-2, etc.) et les autres intervenants.
  • Mentionner les noms et les adresses mails de vos contacts.
  • Préciser toute contrainte du délai d’obtention d’une licence en la justifiant (livraison, réparation, etc.) ; indiquer la date à laquelle vous avez besoin de la licence et les contraintes.
  • Commenter la normalité du calendrier et des modalités de prise de contact.
  • Performance et caractéristiques : confirmation du classement en tant que bien à double usage, présentation du positionnement dans l’offre générale de produits similaires et de votre avis de spécialiste sur les spécifications recueillies par rapport à l’utilisation déclarée.
  • Évoquer la concurrence locale (pays d’utilisation finale) et étrangère.
  • Préciser si vous participez à l’installation, la mise en service et/ou la maintenance du bien exporté ou si vous êtes substituables (par exemple, certaines machines spéciales nécessitent une procédure d’installation et de mise en service que seule votre équipe française / européenne maîtrise, etc.).
  • Mentionner ce qui permet, par conception, de limiter le risque de détournement soit par un autre utilisateur ou sur un autre site (déménagement du bien à double usage) soit pour un autre usage (qui serait davantage lié à une application militaire).
  • Pour les matières premières et consommables : réfléchir sur les quantités commandées par rapport à l’usage annoncé / aux capacités de productions (consommations mensuelles, annuelles), etc. Vérifier les argumentaires de votre client par rapport à d’éventuelles hausses de commandes (articles de presse liés à un nouveau contrat de grande importance, nouvelle unité de production mise en service, etc.).
  • Évaluer l’interaction éventuelle du projet d’exportation avec cette actualité (guerre, corruption élevée, troubles sécuritaires, instabilité gouvernementale, atteintes aux droits de l’homme, etc.).
  • Maîtriser le risque réputationnel qu’encourrait votre société en raison d’un contexte particulièrement sensible.

Cas particulier des intangibles

Préciser le périmètre du projet (« scope of work ») :

  • dans le cas de logiciels : de quelle version s’agit-il, le dossier concerne-t-il le code source/ code objet, quel est le nombre d’utilisateurs, limitation des fonctionnalités, bibliothèques de données utilisées, etc. ;
  • dans le cas de données techniques et technologiques / de transfert de savoir-faire /d’assistance technique ou de prestations d’ingénierie : préciser le type de technologies / prestations et ses limites par rapport à votre savoir-faire (revue des segments fonctionnels / briques technologiques par exemple) de manière à éviter les formulations trop vagues (documents techniques relatifs à une usine de fabrication de X).

Indiquer les lieux et conditions d’utilisation / de connexion, et les mesures de prévention associées.

Conclusion (sur le niveau de risque)

Par croisement de ces six catégories d’informations, la lettre de contexte se terminera par une évaluation qualitative du niveau de risque et de l’acceptabilité « compliance » de la transaction que vous envisagez.

Si le niveau de risque est perfectible, la lettre devra utilement proposer des mesures compensatoires (à titre d’exemples : votre entreprise nous fournira un compte-rendu d’installation qui garantira le lieu d’utilisation, suivi de la machine dans le cadre de la maintenance, livraison en lots de quantité maitrisée, traçabilité diverse, etc.).

Mis à jour le 30/05/2024

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